Y-a-t-il une bonne manière de gérer du harcèlement sexuel dans son entreprise ?

Publié le 08 Avr 2021
Mise à jours le 01 Août 2024

Y-a-t-il une bonne manière de gérer du harcèlement sexuel dans son entreprise ?

Focus sur l’interview de Mathilde, une dirigeante qui a du faire face à un cas de harcèlement sexuel.

Nous ne le disons jamais assez:  libérons la parole, ouvrons les esprits, et faisons comprendre à chacun qu’en rendant ce sujet moins tabou, il sera plus facile de le traiter. Malgré la vague de dénonciation du mouvement #balancetonporc, les chiffres ne baissent pas. En 2018, une femme sur 3 a été victime de harcèlement sexuel. En 2019, 55% des françaises déclarent avoir subi du harcèlement sexuel sur leur lieu de travail.

Permettez à la honte de changer de camp. Ce n’est pas votre entreprise qui doit avoir honte, mais la personne qui harcèle. Si la honte gagne du terrain chez ces auteurs, alors peut être que nous aurons là un début de victoire.

C’est pourquoi aujourd’hui nous vous proposons d’avoir le point de vue de Mathilde, co-fondatrice de Nümorning. Un témoignage rare.

Mathilde et David sont les fondateurs d’une petite start-up qui s’est développée en 2018. Il y a aujourd’hui 10 personnes dans l’équipe. Mathilde et David ont décidé de faire un management de proximité. Ils établissent un contact de confiance avec chacun de leur interlocuteur. Ils font des points toutes les semaines, se reposent beaucoup sur la communication, et surtout sont très proches de leur équipe. Deux mots : la bienveillance et l’écoute !

Mathilde, Victoire se fait harceler depuis des semaines.

Un jeudi matin, malgré toutes leurs précautions, un de leur collaborateur est venu tape à la porte :

« Mathilde, David, Victoire est victime de harcèlement sexuel depuis des semaines. »

Il est venu alarmer les dirigeants de l’entreprise. S’en était trop. L’auteur des faits, appelons le Julien, était hiérarchiquement plus haut que la victime, et proférait des blagues à caractères sexuel, de manière répétée, devant tout le monde. La situation se déroulait depuis plusieurs semaines. Un employé a décidé de ne plus se taire. Evidemment, Julien exécutait ses actes à l’abris des regards des fondateurs de l’entreprise : à l’heure du déjeuner.

Chute d’un immeuble de 70 étages. Les fondateurs ont été poussés dans le vide sans s’y attendre. Toutes les émotions ont été mélangées, colère, tristesse, et beaucoup de questions.

Comment ? Comment cela a pu arriver à une si petite équipe, si soudée ? Et surtout, pourquoi Victoire ne l’a pas dit à Mathilde, dont elle était très proche ?

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Tolérance zéro

Très rapidement, les dirigeants ont décidé de confronter plusieurs versions. Demandant à l’équipe leur ressenti pour une prochaine potentielle embauche de Julien, car il était encore en période d’essai. Sans pousser à la confession, les versions se sont entrecoupées : Julien harcelait bel et bien leur collègue.

Chez Nümorning : c’est tolérance zéro. 

Julien a directement été convoqué, il a été confronté à la situation, et a été viré.

Il a prit ses affaires, et est parti. Il n’a même pas essayé de nier les faits, assurant que les jeunes étaient peut-être trop sensibles ! (C’est bien connu, c’est toujours la faute des autres.)

Cela a duré 12 heures.

12 heures pour réagir.

12 heures pour confronter les versions.

12 heures pour prendre une décision.

Et si peu, car il était inacceptable que Julien reste un jour de plus dans l’équipe, et qu’il continue d’harceler et d’intimider Victoire. La réaction a été rapide, et surtout faite dans l’émotion. Les dirigeants ont fait preuve d’une empathie exceptionnelle à l’égard de Victoire, leur montrant soutien, compréhension, et compassion. Ils ont été là du début à la fin et on réagit très vite. C’est leur équipe, et leur but est de la protéger, et de veiller à leur bien-être.

Écouter ses collaborateurs

Mathilde nous confie qu’elle s’est rendue compte qu’au-delà des compétences professionnelles, il était finalement important d’encore plus se focaliser sur la savoir être de chacun des collaborateurs. Alors pourquoi pas poser plus de questions sur leur façon de penser, de voir la vie. Évidemment, il n’est pas toujours possible de détecter ce genre de personnes, mais c’est peut-être un moyen d’un peu plus les éviter.

Elle a aussi décidé de mettre en place plus de moment d’échanges sur les sentiments personnels de chaque membre de l’équipe.

Comment te sens-tu en ce moment ? Toi. 

La réaction de Mathilde et David a conforté leur équipe dans ce sentiment de bien-être qu’ils ressentaient à l’égard de leur entreprise. Les collaborateurs ont senti qu’ils étaient en sécurité et qu’ils seraient écoutés s’ils avaient un problème. Les liens ont été d’autant plus resserrés par la suite !

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L’importance de la sensibilisation

Mathilde appuie sur l’importance de la sensibilisation. En réalité, on ne s’attend jamais à ce que cela nous arrive avant d’y être confronté. Mais comme elle le dit si bien « une relation débute à deux personnes » alors il ne faut pas se dire que seulement les entreprises de 150 personnes peuvent faire face à ce genre de situation. C’est pourquoi il faut en parler, en amont, à toute l’équipe.

Prévenir plutôt que guérir, toujours !

Peu importe les canaux, peu importe les moyens, utilisant de la VR ou une simple vidéo. Parlons-en, et débattons. Éduquons et comprenons. Mathilde nous a dit quelque chose qui nous paraît être essentiel à transmettre aujourd’hui :

Ne laissez pas le groupe devenir complice d’une situation de harcèlement. Dîtes NON. Face à une injustice, vous ne serez jamais seul.e.s à vous lever et rétablir la justesse, la paix, l’égalité. 

Ne rien dire, être gêné, est malheureusement une participation au harcèlement.

Brisons le tabou

En réalité, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise manière de gérer une situation de harcèlement sexuel, de harcèlement moral, ou d’une quelconque discrimination. Le tout, c’est de la prendre en main et de mettre en sécurité ses collaborateurs. Ces situations sont inacceptables, et impactent absolument tout le monde.

Si une 1 femme sur 3 est victime de harcèlement sexuel au cours de sa vie, alors, bon nombre d’entreprises sont concernées par ce problème. Nous aimerions en fait dire : toutes les entreprises sont concernées. Car en se sentant concerné, on anticipe mieux la situation.

Ces agissements ne sont jamais la faute de l’entreprise. Mais celle de la personne harcelante. Votre responsabilité repose uniquement sur la gestion de la situation, et de votre faculté à mettre les victimes à l’abri, en favorisant la qualité de vie au travail.

Le harcèlement sexuel est aujourd’hui tabou pour beaucoup d’organisations. Les chiffres sont éloquents, et pourtant, très peu d’entreprises prennent la parole pour dire qu’elles ont fait face à ces situations. Très souvent, elles sont confrontées à une fuite, ou un bad buzz, ce qui les oblige à faire une communication de crise, et voient leur image se dégrader. Alors qu’initialement, elles étouffent l’affaire pour préserver leur image.

Pour Garder la face.

Cette notion qui ne vient pas de nulle part, car elle est amenée par un célèbre sociologue : Erving Goffman. Il nous explique la face est la valeur sociale que l’on adopte à travers une ligne de conduite. Nous nous préservons toutes et tous dans nos interactions, car nous voulons que les autres voient le meilleur de nous-mêmes, et nous le faisons par le biais du tact, du savoir-vivre, et de la diplomatie par exemple. Cette notion a un fort lien avec la notion d’image que nous projetons dans la société, avec autrui. Et nous voulons à tout prix « garder la face » et ne pas compromettre l’image que les autres ont de nous. Autrement dit, les organisations veulent garder la face, et ne pas voir leur image s’effondrer. Mais n’oublions pas que le meilleur moyen de gérer une situation, ce n’est pas en la cachant.

Alors, préserver l’image, c’est bien. Préserver l’humain, c’est mieux. Brisons le tabou.

Nous souhaitions remercier Mathilde et David de nous avoir permis d’avoir un point de vue interne à cette situation, afin de comprendre et de voir comment ils ont géré cela. Merci beaucoup de nous avoir accordé votre temps.

Prochainement, une interview vidéo retraçant cette histoire sera disponible sur nos réseaux sociaux !

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